Speaker 2 (00:00.11)
Bonjour John ! Aujourd'hui, avec ton parcours, on va parler de l'entrepreneuriat mais façon start-up nation, si tu me permets ce terme. Puisque tu as réalisé cet exploit quand même, il faut dire de créer une entreprise dans la tech en France, de la revendre et pour parler de toute cette aventure parce que oui, il y a eu énormément de péripéties et j'espère que nos auditeurs prendront autant d'intérêt à suivre ces aventures que moi j'en ai eu à les suivre en live.
Bonjour Kisha.
Speaker 1 (00:29.121)
J'espère aussi.
Est-ce qu'aujourd'hui, niveau stress et charge de travail, ça s'est un peu calmé
Clairement, c'est très différent, donc on y reviendra probablement, mais aujourd'hui je ne plus entrepreneur, je suis salarié de la boîte qui nous a rachetés. la quantité de stress n'est pas la même quand on n'a pas à regarder le compte en manque de la boîte régulièrement pour savoir si on va pouvoir payer des salaires le mois prochain ou pas.
Rembombinons un tout petit peu en arrière du coup, peut-être même très en arrière. À la base tu es développeur, c'est ça
Tout à fait, développeur web, j'ai toujours eu le côté un petit peu full stack comme on dit dans notre milieu, donc à faire à la fois du front-end et du back-end.
Speaker 2 (01:13.71)
Va falloir tout de suite changer ce jargon, John.
t'arrête tout de suite, il faut que tu nous expliques ce terme. Qu'est-ce que ça veut dire ?
Alors, front-end c'est ceux qui s'occupent de faire ce que l'utilisateur final voit, donc c'est-à-dire souvent un site internet, une application mobile. Back-end c'est tout ce qu'on ne voit pas. Donc c'est la gestion des serveurs, faire en sorte que quand on clique sur tel bouton, on envoie un mail, on met à jour la page, ce genre de choses.
peut parler de Google ?
On peut. Donc moi j'ai terminé mes études en 2008. Après j'ai été freelance effectivement pendant une dizaine d'années et juste avant de monter ma boîte, j'ai bossé chez Google pendant quatre ans à peu près. Alors dans un premier temps j'ai travaillé sur le site internet de Google Arts & Culture et dans un deuxième temps dans une équipe qui s'appelle le Lab avec des expériences un petit peu moins web, plus originales. C'est là où j'ai commencé à toucher
Speaker 1 (02:13.286)
à ce que l'intelligence artificielle pouvait amener au domaine de l'image. On travaillait notamment avec des musées qui avaient des millions d'images, on traitait ce genre de grand volume pour en faire des expériences interactives intéressantes chez Google.
Tu dirais que ça fait combien de temps que tu travailles sur l'intelligence artificielle au service de l'image
Du coup, ça fait presque une dizaine d'années. 5 ans dans ma boîte et 3-4 ans avant chez Google.
Depuis la sortie de TchadGPT, est beaucoup plus familiarisés avec l'IA, mais en réalité, ça fait des années et des années que les grands groupes travaillent dessus.
Oui, c'est sûr. Il y a quand même eu une accélération récente et des changements au niveau des technologies sous-jacentes. les grands principes sont là depuis quelque temps. y a des papiers de recherche qui ont amené là où on en est aujourd'hui, qui datent du milieu des années 80, début des années 90.
Speaker 2 (03:13.344)
Donc tu étais freelance sur Google. Tu étais déjà à ton compte quelque part, avant de créer ta boîte.
Déjà à mon compte, j'étais le prestataire pour Google.
qu'est qui était cool en fait de travailler chez Google ?
La chose la plus intéressante dans le fait de travailler chez Google, à mon sens, c'était les collègues. On est entouré de gens très très intelligents. Ça c'était une des choses très intéressantes. Et après les projets, notamment le projet Arts & Culture, quelque chose qui me parlait pas mal, je suis toujours été intéressé par le domaine artistique, j'avais fait partie d'un collectif d'artistes numériques avant ça. Et du coup, cet écosystème-là était intéressant.
Par contre, et c'est quelque chose que j'ai essayé d'amener par la suite dans l'entrepreneuriat, dans la boîte que j'ai créée, co-créée d'ailleurs, on y reviendra, c'est les Innovation Week. Donc une fois par trimestre, on mettait en pause un petit peu la roadmap et tous les projets en cours pour faire une semaine sur un truc qui nous plaisait.
Speaker 2 (04:15.694)
Roadmap c'est quoi pour nos auditeurs ?
La roadmap, c'est ce qui définit un petit peu tout ce qu'on est en train de faire à un instant T dans les semaines à venir. Donc c'est les projets en cours, on va dire.
C'est une question que je vais te poser si tu utilises des anglais ici parce que...
Effectivement, et je risque de le faire.
Est-ce que c'est en étant chez Google que tu as eu l'idée ou l'envie de créer ta propre boîte ?
Speaker 1 (04:41.43)
C'est quelque chose qui m'a toujours intéressé. Il se trouve que chez Google, effectivement, l'idée est revenue. Et pour l'anecdote, quelques semaines avant de franchir le pas, je parlais à ma compagne et je disais que j'aimerais bien que le moment ne pas mal, mais que je ne me voyais pas me lancer tout seul, que j'avais envie que ce soit une aventure de groupe. Et je citais deux, trois noms avec qui j'aimerais lancer cette aventure. Et le premier de ces noms, c'est la personne avec qui j'ai effectivement co-créé la boîte.
Génial ! Tu as manifesté ton associé.
C'est ça.
Mais les deux univers de langage très différents, la manifestation et la tech, j'adore. Alors là on va rentrer dans la question plus technique de qu'est-ce que tu as créé exactement comme boîte, qu'est-ce que vous faisiez ?
Tout est parti d'un projet un petit peu... week-end, en dehors du boulot de Cyril, donc la personne avec qui j'ai créé cette boîte, qui a posté sur Twitter quelque chose qu'il avait fait pendant le week-end qui permettait de prendre une photo d'un objet avec le téléphone, de pointer le téléphone vers un écran d'ordi, et on retrouvait sur l'ordi à l'endroit vers lequel le téléphone pointait la photo de cet objet détourée. Et cette démo a eu un succès...
Speaker 1 (05:59.966)
inespérée, c'est à qu'elle s'est retrouvée un petit peu prise dans les algos de Twitter comme on l'appelait à l'époque, elle s'est retrouvée vue vraiment des millions de fois et on a eu des dizaines de milliers de réponses dont des gens qui nous disaient c'est fake, du coup le code s'est retrouvé publié sur GitHub pour prouver que ce n'était pas le cas et
Ensuite, des gens qui nous ont dit qu'il faut en faire un produit parce que moi je ne pas déployer ce que vous avez mis sur GitHub. Par contre, si vous en faites un produit, je suis prêt à quelques euros par mois pour avoir accès à cette solution. Et du coup, il m'a appelé quelques jours plus tard, me disant je pense que je vais arrêter Google pour essayer de me lancer dans cette aventure-là. Est-ce que tu veux me rejoindre ? Et voilà, tout ça est parti.
D'accord. Et juste pour nos auditeurs NEOFIT, GitHub dans...
C'est un endroit où les développeurs postent leurs codes. C'est une façon de partager ce qu'on écrit. Notre quotidien, c'est d'écrire des lignes de code pour qu'on vérifier ensemble que ça fait bien ce qu'on veut, etc.
C'est l'équivalent de la publication dans les journaux scientifiques, mais pour les développeurs.
Speaker 1 (07:10.08)
C'est ça, mais avec une différence qu'on peut garder ça privé. Alors que les journaux scientifiques, a vocation plutôt à être lu par un maximum de personnes. Sur le code, on peut choisir qu'il soit visible que par exemple des deux collaborateurs au départ.
On se situe sur quelle timeline ? Au moment où Cyril te fait cette proposition.
On est en plein Covid au début, est autour de mars-avril 2020.
Ok, et tu te lances en profitant entre guillemets du Covid ?
Oui, effectivement, entre temps, Google nous avait demandé de ne plus venir au bureau. Donc, on travaillait de chez nous et le... C'était pas le moment le plus intense en termes de travail. Donc, j'ai choisi de, je dirais jusqu'à l'été à peu près, de réduire ma charge de travail pour avoir 50 % de mon temps sur ce nouveau projet. Et passé l'été, je suis passé à 100 % sur ce nouveau projet et j'ai complètement arrêté Google.
Speaker 2 (08:09.558)
Quelle a été la première étape de travail pour vous entre le moment où tu as dit go on se lance et le moment où tu es passé à plein temps sur ce projet ?
Alors, ça a été de définir un petit peu les contours de ce produit, puisque là pour le moment on avait quelque chose qui était vraiment une démo, Proof of Concept comme on dit souvent, plutôt qu'un vrai produit. Donc il a fallu dire, qu'est-ce qu'on veut faire exactement dans ce produit ? Combien on pense que les gens seraient prêts à payer pour ça ? Donc discuter un petit peu avec les personnes qui nous avaient contacté sur Twitter en nous disant qu'ils voulaient avoir accès à ce produit. Monté une structure officielle.
On a créé une SAAS pour lancer ce business. passe d'un mode freelance à quelque chose de nouveau. Pendant un an notamment, on ne s'est pas payé. Et implémenter tout ça. Donc là, on a passé beaucoup de temps devant notre éditeur à écrire du code pour avoir quelque chose le plus vite possible pour pas que quelque part la fenêtre soit passée et que quelqu'un ait sorti ça avant nous, vu le succès que ça aurait pu avoir sur Twitter.
Bah oui, ce qui était un vrai risque puisque des boîtes qui étaient déjà positionnées sur un secteur similaire auraient pu se cédire du sujet.
Oui tout à fait, d'autant plus qu'on avait fait ce choix de publier ce code. Du coup c'était entre guillemets un petit peu plus facile pour une boîte existante de dupliquer ce concept.
Speaker 2 (09:33.058)
Et vous avez développé ça en fonds propres ou avez levé des fonds
Alors, on a commencé en fonds propres et on a assez rapidement fait un incubateur américain qui s'appelle Y Combinator qui nous a permis de lever des fonds à peu près 1,5 pour construire une équipe.
Alors comment tu passes de « freelance chez Google » depuis 5-6 ans et là je me retrouve à lever des fonds dans un incubateur américain.
C'est une bonne question. Quand on monte une boîte dans le domaine de la tech en France, on entend forcément parler de ces incubateurs-là. Y Combinator était le plus connu. C'est quelque chose qu'on connaissait déjà avant, mais le fait de monter, de se lancer dans l'aventure entrepreneuriale, on a vraiment été un peu plus proche de ces discussions-là. Et du coup, au culot, on s'est dit, on va essayer d'inscrire notre projet pour être pris dans la prochaine...
On les appelle ça des batchs, prochaine liste de startups qu'ils vont accompagner. On a eu la chance d'être acceptés. Et du coup, autour de décembre à peu près de cette année-là, on a commencé à avoir un accompagnement par cette incubateur américain qui nous a aidé pendant trois mois jusqu'à la levée de fond. Donc pendant trois mois, on bosse vraiment sur le produit, essayer de définir où on veut être dans un an, dans cinq ans.
Speaker 1 (10:58.196)
et de convaincre des investisseurs qu'il quelque chose qui a marché. On n'est pas en train de faire juste un truc parce que ça nous plaît, mais qu'on a repéré une niche qu'on pourrait adresser. Et à la fin des trois mois, il y a une grosse journée qui d'habitude se passe aux États-Unis, mais qui la Covid oblige à se passer à distance, où on pitche très très rapidement notre start-up, je crois que de mémoire, c'est 30 secondes.
un millier de quelque chose comme ça d'investisseurs qui sont connectés en même temps sur ce Zoom. Et à la fin, ceux qui ont été intéressés nous recontactent pour dire « voilà, moi j'aimerais bien mettre un petit peu d'argent dans votre projet, comment on fait
c'est le speed dating des investisseurs.
Exactement.
qu'est-ce que vous avez mis dans votre pitch qui va intéresser les investisseurs
Speaker 1 (11:49.976)
Ouais, alors, sur des boîtes à ce stade-là d'avancer, donc on est très très tôt, pour eux, les investisseurs, faut les faire rêver entre guillemets plus que leur montrer des choses déjà en place. Ils font vraiment un pari à ce moment-là de l'existence d'une boîte. Un petit peu plus tard, il faut vraiment leur montrer des chiffres de revenus intéressants ou des choses comme ça. Là, on n'en était pas du tout là. Du coup, notre asset...
Je pense que c'était le fait d'avoir trois co-fondateurs, parce qu'on avait été entre temps rejoint par notre ancien boss chez Google, qui était passé par Google, qui avait connu un petit peu à à fois les free startup et la fois les très grands groupes américains. Donc ça c'est quelque chose qu'ils aimaient bien. Et après l'autre chose que nous on avait, qui était vraiment différenciant par rapport à beaucoup d'autres startups de ce programme, c'est qu'on avait déjà lancé notre produit. La plupart arrivaient avec une idée
Mais rien de concret encore, nous on pouvait leur dire voilà on a déjà lancé ça, on avait déjà à l'époque quelque chose comme 10 000 customers et du coup 10 000 personnes qui payaient tous les mois pour ce produit là et donc la preuve quelque part qu'il avait un marché.
vous les avez trouvés ces 10 000 clients.
ben c'est une bonne question. J'ai encore aujourd'hui l'impression qu'ils sont plus venus à nous que l'inverse. Donc on a été trois coups fondateurs ingénieurs. On manquait clairement de cette vibe un petit peu sales marketing à l'époque. Du coup on a eu la chance vraiment que ce projet marche bien et qu'il ait un espèce de quelque chose de très naturel on va dire dans la dans sa découverte. Il a fait le tour de Twitter et cette vidéo démo est s'est retrouvée ensuite un petit peu partout.
Speaker 1 (13:35.854)
sur Facebook, sur les réseaux sociaux, etc. Elle a été reprise dans les écosystèmes où c'était probablement le plus intéressant, notamment les freelance qui font de la création de contenu qui était intéressée par ce genre de choses. Donc il y eu beaucoup de bouches à oreilles et nous on a fait un petit peu de saupoudré, un tout petit peu de marketing tout ça en essayant de poster régulièrement sur un compte Twitter qu'on avait créé.
participants à des événements qui récompensent les meilleures sorties de la semaine, du mois, de l'année, ce genre de choses.
Ok, donc jusqu'à présent, c'est un peu le compte de fait. Vous lancez une idée comme ça, vous le publiez, gros succès qui vous amène des opportunités, vous rejoignez un incubateur, vous avez un troisième associé qui est quand même un ancien boss de chez Google, donc un profil solide, et vous levez 1,5 dès votre premier levé de fond. Jusque-là, tout va bien.
jusqu'ici tout va plutôt bien en effet. C'était vraiment une aventure très intense mais très sympa.
Tu passais combien d'heures par semaine à ce moment-là
Speaker 1 (14:45.866)
Beaucoup. Je pense que je vais être autour des 70 heures par semaine la première année.
Et c'était la première année où vous ne payiez pas en plus.
C'est la première année où on ne se payait pas, oui, tout à fait. Un petit peu après. Ça c'était de 2020, 2021 et petite fille est arrivée en 2022.
et où tu as eu un bébé. ouf.
Speaker 2 (15:07.99)
Qu'est-ce qui, t'a donné le courage, la motivation de t'investir à ce point sur un projet dont tu sais pas du tout si ça va payer un jour, ni comment. Tu dans le monde de la gratification immédiate, on veut tout de suite savoir est-ce qu'on produit vers le marché, et puis si on n'a pas de signes positifs, on se décourage.
pense qu'il plusieurs choses. Déjà, ce que je mentionnais avant, c'est que j'avais toujours eu cette attirance pour le monde de l'entrepreneuriat. C'était chouette de se lancer enfin quelque part. Après, il y avait quand même un petit peu cette boucle de récompenses via le fait qu'on a réussi rapidement à obtenir des acheteurs pour cette appli. Voir les charts avec les chiffres qui montent, c'est une forme de récompense un petit peu quotidienne de ce travail-là.
Et après, va pas se mentir, un autre gros avantage, c'est que fait d'avoir fait un petit peu d'années chez Google avant ça, on avait pu mettre un petit peu d'argent de côté, et du coup on avait moins la crainte de se dire, si l'argent rentre pas dans la boîte demain, il faudra songer à s'arrêter là.
Oui, parce que même si vous aviez 10 000 abonnés à l'époque, c'était pas suffisant pour vous rémunérer.
Non, non, non, loin de là. Déjà, entre temps, on a commencé à recruter. Et oui, c'était clairement pas suffisant. On avait des coûts en termes de serveurs et tout ça qui absorbait tout ça. Donc, on vivait encore sur les deniers des investisseurs. On n'était pas du tout une boîte rentable à l'époque.
Speaker 2 (16:39.978)
ce seuil de rentabilité vous l'avez passé quand ?
on l'a passé plus ou moins pour être tout à fait transparent, on s'en est approché plusieurs fois et c'est le moment où souvent on recrutait des nouvelles personnes, on repassait sous la barre.
Oui parce qu'il faut expliquer aussi le rapport entre le recrutement et le développement de la boîte. Parce qu'on pourrait se dire, t'as qu'à pas recruter et garder tes sous, mais en fait si tu ne recrutes pas des gens, tu peux pas te développer non plus.
Oui, dans notre cas on avait vraiment besoin de recruter. J'en avais trois profils ingénieurs mais on travaillait dans un monde où la recherche en IA est importante. Donc assez rapidement il a fallu qu'on recrute des chercheurs. Nos deux premières recrues c'était des chercheurs qui sortaient d'école. Et après effectivement il a fallu recruter un petit peu de monde pour faire progresser le produit. Clairement on n'aurait pas pu mener le produit là où il était.
4 ou 5 ans plus tard si on n'est pas recruté.
Speaker 2 (17:40.226)
Et à partir de quel moment vous avez commencé à recevoir des propositions d'achat ?
En fait, qui s'est passé, c'est nous qui sommes un petit peu allés les chercher parce que... Donc là, on est fin 2022, je dirais, à peu près. On arrive à un moment où on se rend compte, donc on est toujours pas très loin mais pas bénéficiaire, et on a envie d'aller plus loin dans ce qu'on fait. Et un des postes de coût importants dans ce genre de boîte...
c'est les serveurs et notamment les cartes graphiques qui servent à entraîner des modèles. Alors là, c'est un petit peu technique. En gros, c'est pour ça qu'NVIDIA vaut si cher aujourd'hui, c'est parce que pour travailler dans ce domaine-là, il faut une puissance de calcul importante. Et on arrivait à un moment où on avait envie d'en avoir plus, mais on n'avait pas les moyens. Donc on avait le choix entre demander à nos investisseurs de remettre la main à la poche ou s'adosser avec quelqu'un de plus gros que nous.
et ce n'était pas la meilleure époque pour aller voir des investisseurs et leur demander de remettre la main à la poche. coup, on a commencé à regarder l'autre option qui était de faire un exit et de vendre la boîte à quelqu'un qui aurait plus de fonds propres et qui pourrait prendre ses coûts à sa charge.
Ils ont sorti de Covid.
Speaker 2 (19:00.504)
Oui parce que là on le raconte en connaissance deux causes, on sait comment ça se termine, on sait qu'il a un happy end mais sur le moment il faut préciser que le contexte est très différent. Il y a un mini crash on peut le dire dans la tech à l'époque et le climat était beaucoup plus tendu.
Oui c'est ça. Il y avait eu effectivement une période un petit peu plus tendue, qui s'est améliorée un petit peu plus tard, mais à ce moment-là, n'était pas forcément le meilleur moment pour investir. Probablement comme ça ne l'est pas à l'heure où on se parle. On est retombé dans un cycle où les boîtes tech sont un petit peu plus méfiantes depuis quelques mois.
Du coup, toi, tes ressentis de l'époque, ça donne quoi dans ce contexte
Moi j'ai vraiment adoré ces trois années d'entrepreneuriat. Donc je n'étais pas contre l'idée de continuer. J'aurais adoré qu'on arrive à aller voir des investisseurs et leur dire est-ce que vous voulez bien nous accompagner un petit peu plus longtemps. Ça n'aurait pas forcément été impossible mais on avait aussi amené la boîte dans une situation qui n'était pas catastrophique mais on n'était pas non plus sur le prochain Facebook ou le prochain Google.
avec des revenus extraordinaires et une croissance hallucinante. On avait plein de problèmes que connaissent les startups. avait ce qu'on un churn important. Il y avait aussi des choses qui rendaient un rendement d'investissement suivant plus compliqué. Du coup, on s'est rapproché de la solution de se faire racheter. Et là, on se pose plein d'autres questions.
Speaker 1 (20:38.542)
On essaye de réfléchir à qui est le meilleur acheteur. Parce que le meilleur acheteur pour le co-fondateur, est-ce que c'est le meilleur acheteur pour l'équipe tout entier ? Est-ce que c'est le meilleur acheteur pour le produit ? C'est souvent 3 questions différentes. En l'occurrence, on avait envie que le produit continue d'exister. On avait un petit peu mis de côté les acheteurs qui voulaient racheter l'équipe mais tuer le produit pour qu'on fasse autre chose. Mais il restait encore cette dichotomie entre qui est le meilleur acheteur
pour nous financièrement, versus quel est le meilleur acheteur pour être sûr qu'ils prennent toute l'équipe et que le produit continue.
vous précise, si bien de jeunes, se passe un rachat
Il y en a plein de formes différentes, celles que je peux préciser c'est ce que nous on a fait. Donc en l'occurrence, on a été racheté par une boîte sous une forme qu'on appelle souvent Aqua Hire. Donc en l'occurrence, ils ont racheté la propriété intellectuelle, les équipes, le produit, tout dans un agrobundle en espérant qu'on pourra faire venir tout le monde et qu'on continue à travailler à la fois sur notre projet mais qui viennent...
apporter quelque chose à leur entité. ce premier achat, a eu lieu avec une boîte qui s'appelle Stability AI. Et du coup, l'idée c'était de continuer à faire clip drop, mais de peut-être voir comment ça pouvait aider cette nouvelle entité à se faire connaître, à montrer qu'ils ne faisaient pas que de la génération d'images, mais aussi de l'édition d'images grâce à nous, et tendre leur domaine de compétences grâce à cet achat.
Speaker 2 (22:17.358)
qu'est qui a été plus difficile ? La levée de fond ou le rachat
clairement le rachat. terme de stress, c'était... un tout autre niveau. La grande majorité des boîtes qui font Y Combinator, elles font une levée de fond. Donc, il y a une finalité qui est plutôt positive. La valorisation qui en sort, le montant levé joue sur le sentiment de succès qu'on peut avoir après avoir fait YC. Mais, il y a quand de grandes chances que ça se passe bien, on va dire. Alors que la vente...
J'avais vraiment la crainte que ça se passe mal. On avait une boîte française détenue par une entité américaine. Ça a pas mal complexifié le process de vente et on a des avocats qui nous ont pris beaucoup d'argent. Donc je voyais le compte en banque de la boîte descendre jour après jour et la vente qui n'était toujours pas officiellement signée. Et ça, ça a été source de beaucoup de stress pour moi dans les semaines qu'on précédait la vente. Trouver le bon acquérir n'a pas été simple. Dans ce cas-là, on signe en général un...
une espèce de prédile à un moment, qui dit bon ben voilà maintenant vous n'avez plus le droit de discuter avec d'autres acquéreurs potentiels que nous.
Et combien de s'est déroulé entre la signature de cet accord et la vente effective ?
Speaker 1 (23:34.414)
Alors il s'est déroulé à peu près trois mois, ce qui en soit est assez commun, mais ce qui est parce qu'on nous avait vendu entre guillemets au moment de signer ce premier papier. On nous a dit ça va prendre 15 jours, ça va être facile, etc. Et en fait ça a été beaucoup plus long que ça, parce qu'on a signé ce papier début décembre et on a fait la vente fin février.
Et pendant tout ce temps-là, avez des frais mensuels des salariés
Des avocats ? continué à payer les salaires, payer les serveurs et il y avait ce nouveau poste de dépenses des avocats qui devenait assez fou.
Donc c'est l'équivalent de, entre guillemets, payer deux crédits mais sans prêts relais.
C'est ça, c'est exactement ça, Et il se trouve qu'ils ont signé la vente le jour J où les comptes de l'entreprise sont passés dans le rouge. On avait avant d'entamer le process de vente, si je ne lis pas de bêtises, quelque chose comme 300 000 euros sur le compte de la boîte, et avec les différents frais, les salaires, les frais de serveur et les frais d'avocat, on était clairement du côté où ça baissait très vite, et on a signé le jour J.
Speaker 1 (24:46.715)
où on passait dans le rouge, ce qui est interdit pour une sasse, donc c'était important que ça se fasse à ce moment-là.
Et alors le jour de la vente, raconte-nous comment ça s'est passé.
La semaine qui précédait la vente, vu que ça avait été repoussé plusieurs fois, j'ai trouvé que c'était celle que j'avais prévu de partir en vacances. Donc j'ai dû gérer les 10 jours précédents la vente depuis une station de ski dans les Pyrénées. Ce qui était assez sportif. Donc tous les soirs, pendant que les autres allaient à l'apéro, moi je m'enfermais dans la chambre, parfois encore en combinaison de ski, pour discuter avec mes cofondateurs. Voilà, des dernières péripéties de...
de cette aventure. Et après, étonnamment, il n'y a pas de grande messe. se traduit juste qu'on reçoit une notification d'Ocusign comme quoi tel papier a été signé. Et à partir de ce moment, on sait qu'effectivement, la vente est actée et la suite va très très vite. Cette vente, elle s'est fait en partie sous forme de cash, en partie sous forme d'action détenue dans la nouvelle entité. J'ai reçu le cash de...
dans les 12 heures qu'on suivit.
Speaker 2 (26:00.001)
et tu n'as pas le droit d'en parler.
Je pourrais pas divulguer le montant, non, mais euh... voilà.
Mais c'était confortable.
Oui c'était confortable. Pour donner un ordre d'idée, on va dire que ça m'a permis de m'acheter un bien en région parisienne et d'avoir la moitié en apport.
Est-ce que pour toi c'était une compensation juste de ces trois ans de travail où tu ne te rémunérais pas ou à peine ?
Speaker 1 (26:26.382)
C'est une bonne question. Alors oui, dans le sens où j'avais vraiment mis beaucoup de mon temps et de mon énergie dans ce projet, donc c'est évidemment chouette de le voir se traduire sous cette forme-là. Après, j'ai toujours eu un syndrome de l'imposteur en termes de revenus, je gagnais déjà très bien ma vie chez Google, et même avant ça. Alors que mon apport pour la société est plus discutable qu'un prof ou m'accompagner bibliothécaire, par exemple.
pense que son apport pour le bien-être de la société du bien commun est probablement supérieur au mien. Et du coup, j'ai toujours ce côté un petit peu gène de est-ce que c'est mérité en ce sens-là. C'était mérité par rapport à l'investissement que moi j'y avais mis. Est-ce que c'est mérité par rapport à un pompier ou à un instid ? Je ne pas.
il a quelque chose à dire sur ce saut astronomique dans les chiffres. C'est pas si commun de gérer autant d'argent, même si vous avez des salariés, même si vous avez des investisseurs, c'est quand même, je trouve, pour l'esprit, un truc, il a un temps d'adaptation quand même. Oui.
C'est sûr, en l'occurrence, moi j'ai rarement été le gestionnaire le jour de ces sommes-là, des deux autres cofondateurs qui s'en occupaient beaucoup plus, mais clairement on avait quand même cette crainte. On va dire que l'équipe qu'on a créée, c'est des gens dont on appréciait fortement, mais ce n'est pas des gens qui étaient là depuis le début, donc ils n'ont pas cette capacité entre guillemets à se dire bon c'est mon bébé, je veux bien ne pas être payé le mois prochain.
Et donc là, avait vraiment la crainte de ne pas être capable de les payer le mois suivant si la vente ne se concluait pas.
Speaker 2 (27:58.646)
Ok, donc beaucoup de stress, mais finalement tout s'est bien terminé.
Tout s'est bien terminé dans le sens où la vente a eu lieu effectivement. Mais effectivement, la suite a été compliquée aussi. Donc on s'est retrouvé dans cette nouvelle entité et des débuts assez idylliques on va dire, puisque la raison pour laquelle on avait fait tout ça c'était, comme je disais, parce qu'on commençait à manquer de puissance de calcul et d'argent pour l'acquérir. Et il se trouve que cet acquéreur, avait une puissance de calcul.
Mais...
Speaker 1 (28:31.976)
assez folle et du coup on a eu accès à tout ça, donc des premiers mois plutôt idylliques mais assez rapidement on s'est rendu compte que l'aspect produit, direction de cette boîte était mal géré à notre sens et du coup on savait pas trop où on allait, savait pas trop ce que la boîte attendait de nous on comprenait pas ce qu'était devenu les fonds
que cette boîte avait levé, sachant qu'on parlait d'une licorne, une boîte qui avait été valorisée à plus d'un milliard et qui avait levé plus de 100 millions de dollars. Et malgré ça, il y avait des rumeurs de plus en plus sur Internet qu'il n'en restait plus beaucoup de cet argent-là. Et du coup, on est retombé dans ces mêmes craintes de est-ce que la boîte va être capable de payer les salaires le mois prochain ? Comment on peut aider ? Qu'est-ce qu'il faudrait sortir comme produit, comme feature pour aider ?
Voilà, c'était clair, ni d'un côté ni de l'autre. Du coup, au bout de huit mois à peu près, on a commencé à faire remonter qu'il y avait beaucoup de stress dans l'équipe, que l'équipe n'était pas forcément heureuse, on va dire, dans cette nouvelle configuration. Alors je vais peut-être un petit peu vite, mais il se trouve qu'à l'époque où on avait cherché un repreneur, on avait trois, quatre repreneurs potentiels, un petit peu sérieux. Et l'un de ceux-là était
toujours un an plus tard client de ClipDrop et aussi client de Stability. du coup, étaient intéressés quand ils ont su qu'on n'était pas forcément heureux dans ce nouveau setup. Ils étaient intéressés pour racheter l'entité française et c'est ce qu'ils ont fini par faire quelques mois plus tard.
Dans ce que tu dis, on entend aussi le passage d'un projet d'entrepreneur que je monte avec des copains, des sociétés, on est trois et on met nos billes à, maintenant on a une société, a des salariés, envers qui on a une responsabilité, pas juste financière mais aussi de bien-être finalement.
Speaker 1 (30:26.744)
Oui, moi oui, c'est quelque chose dont en tout cas auquel j'étais très attaché le bien-être et l'aspect humain de tout ça. J'avais pas jusqu'à considérer que les gens qu'on a recrutés sont comme nos enfants, mais il y a quelque chose de ça là-dedans. C'est pas juste des salariés non plus. Donc effectivement, on se sentait une responsabilité vis-à-vis d'eux et je me serais senti très très mal d'aller les voir un lundi matin en leur disant...
Bon ben là, le salaire qui devait tomber ce week-end n'est pas tombé et on saura pas quand est-ce qu'il tombera. Du coup, on a essayé de partager nos doutes et nos frustrations avec eux assez rapidement. On s'est rendu compte qu'on avait aussi de leur côté. Et d'amener tout ce petit monde avec nous dans cette nouvelle aventure, reparticiper à une vente. Sachant que cette fois-ci, on n'était plus le vendeur, on était plus le produit vendu. Mais on a essayé d'intégrer l'équipe, on a eu la chance que tout le monde a suivi.
Et c'est comme ça qu'on s'est retrouvé à changer deux fois de maison-mère à un Andécar.
Il faut quand même être sacrément accroché pour gérer ces changements de statut, d'identité. Même au sein de ton équipe en fait. Un truc peut-être apprécié pour nos auditeurs c'est que vous avez été racheté mais avec un contrat où vous deviez quand même travailler pour cette boîte.
Oui, c'est ça. C'est quelque chose d'assez classique dans notre milieu. En général, on est racheté par une entité et pour convaincre les équipes de rester quelque part, il a un mécanisme d'action, qui donne des actions ou des options dans la nouvelle entité, qui se déclenche un an après l'arrivée, puis tous les mois pendant quatre ans. Et du coup, pour bénéficier au maximum de cette vente, il faut rester quatre ans dans la nouvelle entité.
Speaker 2 (32:12.152)
Ok. Et toi, comment tu les as vécu ces passages ? Toi qui à la base en plus voulait être indépendant.
Le passage de freelance à entrepreneur, plutôt bien. Après, j'ai plus eu peur, entre guillemets, du retour au salariat. Mais pour le moment, c'est quelque chose qui me convient. Plutôt bien, on a réussi à négocier des conditions de travail qui sont plutôt bonnes. Typiquement, ma nouvelle entité va me payer un congé paternité pas du tout ridicule pour l'arrivée de mon deuxième enfant. Donc, il y a des choses où finalement le salariat a du bon.
peut dire qu'aujourd'hui tout se passe bien.
Oui, franchement ça va plutôt bien. Comme je disais tout à l'heure, il y a toujours à redire, a toujours des choses qui pourraient se passer mieux. On est passé un petit peu d'un extrême à l'autre en termes de gestion de la maison-mère vis-à-vis de l'entité française qu'ils avaient rachetée. On a une vision produit qui est beaucoup plus claire dans cette nouvelle boîte. Donc on sait où on va, on a des dialogues avec les exécutifs qui sont...
bien meilleur que ce qu'on avait dans la précédente. Donc dans l'ensemble, oui, c'est plutôt chouette. Après, j'avoue que régulièrement, ce côté freelance, entrepreneur m'attire encore. Ce n'est pas impossible qu'à un moment, j'ai cette envie de revenir aux aspects un peu plus indépendants ou entrepreneurs. Mais pour le moment, ça me convient bien.
Speaker 2 (33:42.318)
C'était justement ma question pour conclure, c'est est-ce que tu dois relancer une boîte en ayant l'expérience de ce que ça signifie en termes d'investissement, de travail et potentiellement de stress.
ça dépend des moments. Parfois oui, j'en ai, je peux en avoir l'envie parce que c'était vraiment un chouette projet que j'ai adoré vivre. Ça m'a permis, comme je disais tout à l'heure, d'acheter une chouette maison pour ma petite famille, donc ça a clairement des bons aspects. Après, c'était une quantité de... une charge de travail très très importante.
J'étais pas papa encore, maintenant j'ai un et dans quelques jours deux enfants. Du coup, sera plus compliqué, je suis pas sûr d'être capable de mettre 70 ou 80 heures par semaine d'investissement dans un job avec deux enfants à la maison.
Et qu'est-ce que tu ferais différemment si tu devais te relancer ?
Je vais retourner la question en disant que ce je ferais pareil, j'ai toujours ce côté d'envie que ce soit une aventure en équipe. Je ne vois pas être solo-preneur comme on dit, donc me lancer tout seul. J'ai plutôt envie que ça se fasse à plusieurs. Ce que je ferais peut-être différemment, c'est peut-être de ne refaire une équipe de... J'ai adoré mes co-fondateurs, c'est encore des proches aujourd'hui, mais peut-être de pas refaire une équipe de trois ingénieurs.
Speaker 1 (35:05.678)
Je pense que ce qui nous a manqué, c'est l'expertise un petit peu plus. Sales, marketing, produit, customer, tout ça, c'est des aspects qu'on a découverts sur le tas tous les trois. Et avoir quelqu'un d'un petit peu plus avancé sur ces sujets-là dès le début, m'aiderait grandement, je pense, si je devais me relancer un jour.
Y a une question que je t'ai pas posée, mais du coup, tu travailles où maintenant ?
Alors je travaille pour une boîte américaine qui s'appelle Jasper qui fait de la création de contenu pour les équipes marketing et du coup il faisait du contenu texte avant de nous acheter et depuis qu'ils nous ont acheté ils se mettent à faire aussi du contenu visuel de l'image, la publicité visuelle ce genre de choses.
Ben écoute, c'était passionnant. Merci beaucoup John pour déjà ta disponibilité. À quelques jours de l'accouchement de ta compagne. vous souhaite toutes nos félicitations pour l'arrivée de ce petit bout. Et si je te réinvite dans cinq ans dans ce podcast, qu'est-ce que tu voudrais pouvoir partager avec moi
C'est minant, mais c'est...
Speaker 1 (36:05.87)
peut-être la fin de l'aventure. une façon, entre guillemets, de considérer qu'on est allé au bout de la chose, ça serait que soit la nouvelle entité pour laquelle je travaille aujourd'hui fasse un bel exit à son tour ou une entrée en bourse, que l'aventure aille jusqu'à son terme.
Merci beaucoup Jonathan. Toi ! Je te souhaite une très bonne journée. Cool ! À bientôt ! Ciao !
Merci à
Merci, c'était cool.